25 sept. 2011

Un dimanche

Je n'ai jamais aimé les dimanches. Depuis tout petit, le dimanche est pour moi le lendemain du meilleur jour de la semaine, le samedi, et la veille de la reprise de l'école. Un jour post-orgasmique. Un jour d'attente, d'appréhension, d'ennui. Bref, un jour entre parenthèses.

Je ne sais pas s'il existe quelque chose d'aussi répétitif et déprimant qu'une promenade dans un parc le dimanche. Dans un premier temps, parce que les familles, parents et enfants, s'y concentrent. Il y a aussi quelque chose de triste dans cette copie ratée de nature que les citadins viennent fréquenter, à défaut de pouvoir accéder à des paysages plus sauvages.

C'est, plus fort que l'ennui que, par anticipation, je m'apprêtais à lassablement éprouver en marchant dans un parc, le besoin de prendre l'air qui m'a fait sortir de chez moi ce dimanche. J'ai opté pour une balade en vélo. C'est ainsi que j'ai constaté que le local à deux roues de la résidence avait été forcé et cambriolé. A terre, des cadenas sectionnés, des vélos renversés. Mon VTC était toujours là: un b'twin n'est sans doute pas ce qu'il y a de plus rentable à voler. Mais sans doute a-t-il eu chaud car la petite sacoche fixée sur l'armature a été visitée – mais non, les clés des cadenas n'y étaient pas – et parmi les cadenas forcés qui jonchaient le sol, deux étaient du même modèle que ceux qui protégeaient le mien. Bref, un peu de chance sur ce coup-là même si la perte de ce VTC n'était pas de nature à beaucoup me perturber.

En roulant dans un parc de la banlieue résidentielle de Bordeaux, j'ai immanquablement croisé des familles sur les chemins. Il y avait aussi du soleil, des scouts sous un arbre, des jeunes qui jouaient sur des terrains de sport divers. Je suis passé par le parcours sportif du parc, celui que ma voisine de bureau, qui est partie vivre au Portugal il y a un mois, empruntait souvent pour un running en soirée. C'est la première fois que son absence a créé une sorte d'émotion chez moi.

Voilà, je suis rentré. J'ai pris l'air, le contrat est rempli. Mais je rêve d'inventer un "trompe-dimanche": une manière de vivre ce jour de la semaine comme s'il était un autre.

22 août 2011

Heat

Aujourd'hui comme hier, les températures ont atteint l'étouffante valeur de 36°C à Bordeaux. C'est toutefois moins que la rivale toulousaine (39,5°C) et d'autres villes comme Montauban et Grenoble. J'ai une pensée compatissante pour les habitants des villes touchées par la canicule notamment ceux qui, comme moi, supportent difficilement les atmosphères très chaudes.

En quelques années, mon corps s'est quand même un peu adapté "au Sud". Ce n'était pas le cas en 2003, où l'été au centre-ville de Bordeaux a été un supplice. Je me souviens de journées entières passées dans l'obscurité des stores baissés, de bains d'eau froide coulés le dimanche matin, de nuits passées sur une couche de fortune sur le balcon (seul endroit de l'appartement où je ressentais un peu de fraîcheur à partir d'une certaine heure de la nuit), du Sopalin utilisé pour manier le volant brûlant de la voiture en pleine journée, etc.

On n'en est pas encore là cette année mais les températures élevées compromettent bon nombre d'activités. Aller à l'océan devient délicat à moins de décaler ses horaires, dormir sur place ou patienter de longs moments dans les embouteillages (et réviser son dictionnaire de l'argot en cherchant une place de parking). Les piscines sont prises d'assaut: longues files d'attente à l'entrée, bassins surpeuplés (j'ai fait demi-tour après une tentative samedi). Les activités sportives et physiques – hors salles climatisées – sont difficilement réalisables et déconseillées (j'ai quand même croisé quelques irréductibles joggeurs). Les activités intellectuelles comme la lecture demandent davantage de concentration (je ne suis pas très efficace dans ces conditions, mais beaucoup s'en sortent mieux que moi).

Quelles possibilités reste-t-il alors? Rester calfeutré chez soi (et s'occuper de son blog). Aller dans un cinéma climatisé (presque tous semblent l'être de nos jours). Visiter des musées enceints par d'épais murs de pierre (mais ce n'est pas toujours suffisant). Squatter le rayon frais d'un supermarché (peu sont ouverts le dimanche et/ou équipés de chaises pliantes). Se réfugier dans une église (mais quand on n'a pas la foi ou qu'on n'est pas passionné d'histoire ou d'architecture, on peut vite s'ennuyer).

J'ai finalement profité du week-end pour aller au cinéma et m'occuper du blog. J'ai publié quelques billets, en ai ébauché d'autres. Je compte beaucoup sur ce coin de la toile pour m'aider à passer cette brève période de canicule et à traverser des jours pas roses qui s'annoncent. Chaud devant...

20 août 2011

Oh Land

En parcourant le site internet des Inrocks à la recherche de nouveautés et d'électro-pop fraîche et planante, j'ai découvert l'artiste Oh Land et son album éponyme.

Décrire une chanson, un album, un univers musical avec des mots est quelque chose de délicat et je n'ai pas cette culture ni ce talent. Mais je voulais quand même écrire quelques mots sur cette chanteuse-compositrice danoise et son deuxième album que j'écoute inlassablement depuis plusieurs jours.

Les quatre premiers titres de l'album donnent – je pense – un bon aperçu de l'ensemble. Sun of a gun, premier single, est un titre dansant et léger avec des "Hou" et des "Ha", et des tintements de xylophone. On trouve le clip sur youtube:


D'après Wikipedia, Oh Land, danseuse à l'origine, a dû renoncer à sa carrière suite à une hernie discale; c'est alors qu'elle a poursuivi dans la musique. Ça donne une résonance particulière aux paroles de Break the Chain, autre titre de l'album:
She said
Sorry but you're never gonna dance again
But my feet just keeps me moving
Trying to break the chain.

Dans une autre tonalité, Voodoo ressemble à un trip psychédélique, avec ses sons électroniques des années 80 et ses paroles très kitsch: It's voodoo you do / there's needles everywhere [...] Ooh, electrons disturbing the activity in my brain.

Mais mon plus gros coup de coeur reste Perfection. La chanson commence avec des harmonies orientales auxquelles s'ajoute bientôt un rythme à la We will rock you. La voix de la chanteuse, habituellement fluide et suspendue, offre un passage où la scansion des paroles est – je trouve – très jouissive. Bref c'est l'extase, et en plus il existe un clip (avec une version de la chanson qui diffère un peu de celle de l'album):



En bref, une pop raffinée et aérienne, légère sans être futile, avec quelques accents rétro mais très à l'aise dans son époque. A essayer!

18 août 2011

Un soir, une rencontre [courte fiction]

Il frappa à la porte le vendredi soir vers 20h. Un toc unique et mal assuré. J'avais découvert à l'interphone, quelques instants auparavant, la voix de "Titours" – c'était le pseudo qu'il utilisait sur internet et par lequel il s'annonça ce soir-là. La voix de ce jeune homme était à l'image de sa manière de frapper: timide et hésitante.

Emporté par l'élan qui m'avait fait quitter le siège de mon bureau, j'ouvris la porte de manière assez brusque. L'onde provoquée par l'ouverture de la porte submergea Titours. Il eut un léger mouvement de recul et ses yeux s'écarquillèrent comme pour accompagner le déferlement de mon corps. Une fois mes yeux réglés sur l'obscurité du couloir, je découvris un garçon de petite taille, robuste et de visage assez rond. Je ne saurais dire si ses cheveux étaient coupés courts ou inexistants; peut-être portait-il une casquette.

Sa surprise première s'effaça au profit d'un sourire qui exprimait à la fois timidité, malice et gentillesse. Celle-ci m'apparut si profonde, si constitutive de son être qu'elle me désarma sur-le-champ.

Paré d'un sourire qui me vint très naturellement, je fis entrer Titours dans l'appartement et le priai de s’asseoir sur le canapé clic-clac du salon. J'éprouvai une honte soudaine à installer un quasi-inconnu sur une housse aussi sale.

- Tu as quelque chose à fumer? me demanda Titours.

- Si on exclut les feuilles mortes qui traînent sur le balcon depuis l'hiver dernier – et qui ne doivent pas avoir bon goût, la réponse est plutôt non. Je peux me rattraper en te proposant quelque chose à boire?

- Tu as du whisky?

- Ah, hum, non... J'ai du porto, du martini, de la bière, du vin rouge, du vin blanc, du cidre et du soft.

- Je veux bien une bière, merci, c'est cool, me répondit-il avec son irrésistible sourire.

Nous discutâmes pendant près d'une heure lorsque Titours m'annonça qu'il devait retrouver des amis pour une soirée en centre-ville. Feignant par pudeur d'ignorer que je ne lui plaisais pas, j'acquiesçai et le raccompagnai à la porte.

- Je peux te prendre dans mes bras? demandai-je à Titours de but en blanc.

Il s'agissait davantage de le prévenir que de lui demander l'autorisation car c'est sans attendre sa réponse que je l'enserrai dans mes bras. J'avais manqué d'affection les jours précédents et puisque l'occasion d'en recevoir était en train de s'échapper, je décidai derechef de voler ma ration.

Je profitai pleinement de mon étreinte avec Titours. La crispation de son corps me fit comprendre que le plaisir était sans retour. Peut-être a-t-il, en cet instant, douté de ma santé mentale.

Grisé par mon audace, je lui posai une ultime question:

- Je sais que c'est indiscret mais quel est ton vrai prénom, Titours?

- Benjamin. C'est Benjamin. Allez, merci pour le verre, passe une bonne soirée et à une prochaine peut-être.

Titours avait à peine prononcé ces mots qu'un de mes voisins, qui venait de quitter son appartement avec une jeune femme à son bras, l'interrompit dans sa fuite en s'exclamant:

- Ça alors, Sébastien! Qu'est-ce que tu fais là? Décidément, c'est pas assez de se voir huit heures par jour au travail qu'il faut jouer les prolongations les soirs et week-ends.

- Oui, je rends visite à un pote, répondit Titours non sans une certaine gêne.

- Ah mais faudrait qu'on se fasse un apéro un de ces quatre avec ton pote mon voisin! s'exclama avec un enthousiasme fédérateur celui que Titours et moi croisions presque quotidiennement...

17 août 2011

Tired of being sorry / J'envoie valser

Aujourd'hui j'ai repris le travail après trois semaines de vacances. Trois semaines pendant lesquelles j'ai continué à relever mes mails professionnels à distance, en raison d'un engagement que j'avais pris sur un projet particulier.

Je sais qu'il est risqué de ne pas totalement couper le cordon lorsqu'on part en congés. Et en effet, après environ quinze jours d'absence, je reçois un message fort peu aimable d'un collègue – le genre de collègue à qui on refuserait d'office une reconversion dans la diplomatie. Celui-ci me demande, en tant que correspondant informatique d'unité, d'"activer" une commande d'ordinateur dont il m'avait parlé il y a deux mois, commande devenue urgente puisque le PC à remplacer est – comme il l'avait auguré, et il en est visiblement très agacé – tombé en panne. Le mail est adressé en copie à deux supérieurs hiérarchiques.

Comme à chaque fois quand j'ai du retard, et qu'il y a un problème lié à ce retard, je me suis senti fautif, minable. J'ai ressenti une grosse boule dans le ventre, découragé par mon incapacité à régler les choses correctement du premier coup, sans qu'on ait besoin de me faire des rappels. J'ai imaginé la manière dont je me confondrais en excuses.

Je n'ai pas répondu au mail pendant mes vacances, essayant d'oublier, sans vraiment y parvenir, ce qui m'attendait à la reprise.

Et puis je me suis souvenu que ce rôle de correspondant informatique, j'avais accepté de le reprendre suite au départ en retraite d'un collègue qui m'avait assuré que ce n'était pas compliqué et que ça ne prenait pas beaucoup de temps. Je voulais avant tout dépanner, mais j'étais aussi curieux et intéressé par cette nouvelle tâche. Tâche qui s'est finalement avérée plus complexe et chronophage qu'annoncé. Sans compter que ces à-côtés informatiques se sont ajoutés sans aménagement à mon métier principal, qui reste ma priorité.

Je suis fatigué d'être désolé et ce n'est pas normal, ai-je pensé aujourd'hui. Si les choses dysfonctionnent, ce n'est peut-être pas de ma faute. Et si je n'avais tout simplement pas les moyens de faire face?

De manière générale, je suis prompt à me remettre en question et à reconnaître mes torts. À calmer l'indignation, étouffer la colère, réprouver l'envie de vengeance lorsqu'on me fait des reproches ou du tort. Mais à trop jouer les procureurs, j'oublie que je suis en droit d'être défendu. Sous doute ne tiens-je pas suffisamment compte de la partie en moi qui endure et souffre: elle mérite aussi d'être écoutée, je dois m'en convaincre. Il faut un temps pour la colère et la révolte – elles sont parfois légitimes.

Ce matin, avec calme mais fermeté, j'ai envoyé valser mon collègue insatisfait et fait part de mon renoncement à ma fonction de correspondant informatique. Ça va me soulager d'un poids et permettre de concentrer mes forces sur un défi de taille: affronter la déprime de la rentrée.

14 août 2011

La pression du bonheur

Je veux être heureux. C'est la réponse que je ferais à qui me demanderait quel est mon but dans la vie. C'est simple, vague, presque enfantin, mais il finalement existe bien d'autres manières de répondre à cette question.

Je veux être heureux, c'est avant tout un aveu d'ignorance: je suis incapable de définir clairement et en quelques mots ce qui ferait mon bonheur. Je m'accroche aux mots heureux et bonheur comme si je voulais me rendre sur une île paradisiaque qui ne figurerait sur aucune carte et dont le seul nom attesterait l'existence.

Dans Je veux être heureux, il y a aussi Je veux. Je pourrais ne rien vouloir, et même ne plus rien vouloir. Ça m'est arrivé, et ça m'arrivera encore. Pour l'heure, je veux, j'ai de la volonté, mon esprit est tendu vers quelque chose. Mais cette tension est si forte qu'elle pose problème. Il y a une limite au-delà laquelle vouloir être heureux devient trop obsédant: la volonté prend le pas sur la finalité – être heureux – alors que le bonheur suppose au contraire – enfin, je le crois – une certaine forme d'insouciance, de détachement, de confiance, de légèreté et de disponibilité d'esprit.

C'est ainsi qu'à trop vouloir être heureux je finis par gâcher les moments qui m'apportent un bien-être et des plaisirs simples.

L'autre jour, j'enfourche ma voiture pour une virée en solo sur le bord de mer, avec une vague idée de la direction, bien décidé à me laisser guider par la beauté des paysages. Niveau d'insouciance: élevé. Au cours de la journée, je m'arrête à différents endroits où je marche, nage quelques minutes et lis plusieurs pages d'un bon livre. Il y a du soleil et du vent et je suis bien. Mais à plusieurs moments, des doutes m'assaillent. Est-ce qu'être heureux c'est seulement ça? Est-ce que ça ne sera jamais que ça et rien de plus? Je me dis que la journée aurait été encore meilleure si j'avais été accompagné d'un amant et de bons amis. Le pire alors, c'est que je ne pense pas seulement – pour tenir ces rôles d'amant et amis – à des personnes bien réelles qui font partie de mon entourage, mais aussi à des personnes idéalisées, que je ne connais pas ou très peu, pourvues de qualités et de savoirs que j'envie.

Je me rends bien compte que ça ne peut pas fonctionner dans ces conditions. Entre ce que j'arrive à extraire du présent et ce que j'ambitionne d'obtenir dans un futur heureux, l'écart est tel qu'il me condamne à l'insatisfaction. Sans vouloir passer pour quelqu'un qui en demande toujours plus, n'y a-t-il pas juste moyen d'avoir mieux pour les choses essentielles?

Il m'arrive de penser que l'épitaphe suivante résumerait avec justesse – et cruauté – mon existence: Il n'a pas vécu sa vie, il l'a rêvée. Pourtant je n'ignore pas que le monde est comme il est, qu'il ne va pas changer pour correspondre à mes désirs. Il faut faire avec, balayer dans un coin et y installer son bonheur. Seulement voilà, il y a la théorie et la pratique, et que m'importe la théorie si je n'arrive pas à l'incorporer complètement et qu'elle me donne au contraire l'impression d'obéir à contre-cœur aux injonctions raisonnables d'une personne dont je n'ai pas la sagesse.
Je voudrais seulement vivre plus de moments où exister me paraisse plus enviable que de n'avoir jamais été, que ces moments soient pleins et légers, et qu'ils ne spéculent en rien sur l'avenir. Le bonheur, c'est une balance Roberval qui penche du côté Exister est une condition enviable.

Je crois qu'un autre problème dans Je veux être heureux, c'est qu'il ne laisse pas de place à l'échec. Il n'y a pas de ... sinon je ferai de mon mieux pour rendre ma vie supportable et peut-être même agréable. Non vraiment, la sortie de secours – s'il y en a une – est bien mal fléchée. Si j'extrapole à partir de ma propre expérience, je dirais que le bonheur est une chose très difficile à atteindre. Je m'étonne d'ailleurs que cette difficulté ne soit pas plus souvent relevée. Ne concerne-t-elle pas une bonne partie d'entre nous?

Ne pas être heureux, c'est compliqué à vivre, à assumer et à expliquer. Mais ce n'est pas non plus un drame, la plupart du temps. En société, c'est plutôt le bonheur, ou l'apparence du bonheur, qui est la norme. Et l'on décide souvent à notre place, d'après certains signes extérieurs, si nous sommes heureux ou pas; et si nous ne le sommes pas, si nous devrions l'être – car on a tout pour. La société a par ailleurs tendance à davantage valoriser ceux qui sont heureux et épanouis; ils sont pris pour exemple, exhibés comme modèles. En contraste, les autres sont, au mieux moins photogéniques, au pire un peu suspects. Je ne parle même pas de ceux qui sont atteints de dépression et qui sont souvent jugés responsables de ce qui leur arrive: manque de volonté, laisser-aller, incapacité à se prendre en main, etc.

Je crois aussi qu'il est délicat d'assumer de ne pas être heureux auprès de ses proches et de ses intimes. Cela génère, qu'on le veuille ou non, une culpabilité chez les autres. C'est bien compréhensible: lorsque l'on tient à quelqu'un, on se sent engagé par rapport à son bonheur, on souhaite y contribuer. Il est mal aisé de faire comprendre à qui vous veut du bien qu'il n'y a parfois rien à faire, à part rester à l'écoute, et que ce n'est peut-être pas si grave. Personnellement, afin d'éviter d'inquiéter et de recevoir des sollicitudes qui me mettent mal à l'aise, je reste souvent silencieux.

Avec toute cette pression – celle que l'on se met soi-même et celle que les autres exercent sur nous, la quête du bonheur n'est pas un chemin tranquille. Il y a des moments où cela m'angoisse: le temps passe et je ne suis pas plus heureux avec les années. Ce qui est nouveau, c'est que je m'autorise dorénavant à ne pas réussir. Mais je veux m'efforcer de regarder la vie en face, pour citer Virginia Woolf, toujours regarder la vie en face. C'est peut-être ça, mon plan B.

5 août 2011

Au rythme des marées


Vivre en fonction des marées fait partie des choses que j'aime quand - comme en ce moment - je suis en vacances dans le Finistère.

C'est que le niveau de l'eau change beaucoup la physionomie du littoral breton, et avec elle les conditions de baignade.

Le must pour moi, c'est la pleine mer des grandes marées, entre 18h et 20h. A cette heure, le soleil - quand il y en a - n'est plus que caressant: exit les morsures du zénith. Exit aussi les lumières crues de la mi-journée, sous lesquelles je n'ai jamais su photographier. La différence de température entre l'air et l'eau est moindre, ce qui permet d'entrer plus facilement dans la "glue froide".

Il ne me reste plus alors qu'à trouver une belle roche plate et lisse, encore gorgée de soleil, pour y poser serviette, maillot de bain, livre et tongues.

Ce n'est pas suffisant pour être heureux mais je collectionne là, seul - à défaut d'une meilleure compagnie, des moments et des images auxquels je repenserai souvent pendant l'année qui suivra.


3 juil. 2011

Gaypride 2011 à Paris

Gonflé d'enthousiasme par ma participation à la Marche des fiertés toulousaine, j'ai prolongé le plaisir en me rendant à la Gaypride à Paris le 25 juin.

La foule n'était peut-être pas aussi démesurée que je m'y attendais, mais il y avait de quoi s'en mettre plein les yeux avec toutes ces couleurs, tous ces déguisements et autres habits d'apparat.

Par contre, j'ai trouvé l'ambiance moins chaleureuse et plus impersonnelle qu'à Toulouse. Moins de regards échangés peut-être.

Une chose est sûre: pour le photographe amateur que je suis, la Gaypride est un vrai régal.

Place aux illustrations !


99 Luftballons

Une soeur bienveillante pour bénir le cortège

Positivisme sur l'abribus

 Oui Madame, tout ce que vous voulez

 Pris en flag

 Une parade aux airs de carnaval

 
Les temps sont doux sous l'étendard

Ennuyé ou stimulé

Rêves de princesse: réformes urgentes attendues

Aujourd'hui je suis belle, et rien d'autre. Admirez-moi.

YX YX

Un émissaire junonien parmi les mortels

Au sortir de la chrysalide

Complices


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PS: Pour faire usage de votre droit à l'image, écrivez-moi et je ferai le nécessaire.

24 juin 2011

Week-end arc-en-ciel

À la faveur d'un vent d'enthousiasme, et au prix de quelques chamboulements tardifs, je m'envole demain pour Paris.

J'ai négocié avec E. une participation à la Gaypride contre une journée d'attractions au Parc Astérix.

je suis impatient d'être dans l'ambiance de Montparnasse demain vers 14h, si l'esprit est aussi bon qu'à Toulouse il y a une semaine.

Et puis retrouver Paris le temps d'un week-end m'emplirait presque de joie, après le moral en dents de scie de ces derniers jours.

Le gâteau marbré au chocolat de Rorschach

Ingrédients:
  • beurre, sucre, farine, oeufs, levure, lait, cacao en poudre
  • un appareil photo numérique
  • 2g d'alcool dans le sang ou du temps à perdre

Faire le marbré au chocolat, l'extraire du moule et le laisser reposer.

A l'aide d'un couteau bien aiguisé - qu'il est formellement interdit de retourner contre soi, couper le marbré en fines tranches.

Dans une petite assiette, disposer face à face deux tranches continguës et photographier le résultat. Répéter l'opération d'un bout à l'autre du marbré.

Interpréter un à un les motifs photographiés.

 Planche 1

Planche 2

Planche 3

Planche 4

Planche 5

Planche 6

Ni vu ni connu, apporter le gâteau le lendemain à ses collègues de travail.

20 juin 2011

Ma première marche des fiertés

9h30. Résonnent dans mes oreilles les annonces d'arrivée et de départ des trains de la gare Bordeaux Saint Jean. Près de moi, des passagers attendent l'affichage du numéro d'un quai. J'ai dans le ventre un mélange de café, de jus de fruit et de yaourt, et dans mes pensées l'idée que je suis pas le seul à faire l'aller-retour à Toulouse aujourd'hui.

En ce samedi, je me dirige vers un excitant inconnu. Ça fait une éternité que je ne suis pas vraiment allé à Toulouse, cette ville dont beaucoup vantent l'ouverture et le bon vivre, et que je connais pourtant si peu. Aujourd'hui 18 juin, c'est la Gaypride à Toulouse et c'est ma première marche des fiertés.

Il est rare que je participe à des manifestations, c'est mon côté loup. Mais cette fois j'en ai ressenti l'envie, et peut-être même une certaine forme de besoin. Je ne sais pas si l'ambiance va me plaire, ni si je vais me sentir très à l'aise, mais cela m'a paru secondaire au moment où je me suis décidé. C'est le genre d'idée qui, lorsqu'elle s'insinue en vous, développe des saloperies de racines. Résister est risqué. J'aurais peut-être préféré être accompagné pour le déplacement, mais seul je suis plus libre de mes mouvements.

10h30. Dans les écouteurs, Taken for a fool des Strokes. Face à moi, la voiture 14 du TÉOZ. Dans ma poitrine, des papillons. Dans ma tête, des scènes imaginaires de la parade.

14h. Sur le Pont Neuf, au-dessus de la Garonne, les chars se sont rassemblés. Les couleurs, les déguisements, les sourires, l'envie de faire la fête ont pris possession des lieux. La sono, encore hésitante, émet ses puissantes vibrations qui empliront bientôt les rues du centre-ville.
Des utilitaires de location, sommairement camouflés pour l'occasion, traînent des boîtes de conserve ou exhibent des affiches de sponsors et de publicité.
La foule se densifie. Les drapeaux arc-en-ciel aussi, portés par des personnes de tous genres, de tous styles, de toutes catégories: des extravertis et des timides, des adolescents et des retraités, des maigres et des gros, etc. La distribution des tracts et objets promotionnels bat son plein: préservatifs, infos sur le dépistage du SIDA et des IST, la lutte contre l'homophobie, pubs pour des boîtes et bars transpédégouines, t-shirts gratuits pour une nouvelle revue gay.


14h30-15h. Ça démarre et je suis transporté par l'ambiance. Sur les chars, les danseurs et les danseuses transpirent de concupiscence et répandent de pleines poignées de sucettes et de préservatifs sur la foule. Les canons crachent leur mousse que des vents capricieux éparpillent à tout-va. Les décibels saturent l'atmosphère.
Je suis entouré par des gens que je ne connais pas et dont je me sens pourtant proche, et je marche. Je ferme parfois les yeux et je me sens bien. Je prends des photos, enregistre quelques vidéos. Je tourne la tête dans toutes les directions pour prendre conscience de la foule. Ensemble, nous marchons. Ensemble, nous dansons. Ensemble, nous existons. Et les gens dans la rue nous regardent; dans leurs yeux aussi, nous nous voyons.


Peu après 17h. Le défilé arrive et s'étale sur la place du Capitole. La musique s'arrête et l'ambiance s'évanouit. Quelques discours militants et politiques et c'est terminé.

***

Déjà lundi soir et les images de la Gaypride sont encore bien présentes dans ma tête. Même si on ne revit jamais deux fois la même chose, j'ai qu'une envie: recommencer.

19 juin 2011

Gaypride 2011 à Toulouse

Il y a beaucoup de choses à dire sur cette Gaypride à Toulouse, qui est aussi la première à laquelle j'ai participé.

Ça a été une grosse grosse fête, dans laquelle je me suis senti bien et à ma place.

En attendant un compte rendu plus précis, quelques photos du défilé!


Vue du pont neuf, avant le départ de la marche

Sur le pont neuf

Sur les chars, il fait chaud

Des couleurs...

... et des ours

Le char du grand cirque

 Quand on arrive en ville...

 Une ambiance immersive

 
Les mecs sont-ils canon ?

 Beautiful people everywhere

 Arrivée place du Capitole

 Quelques (brefs) discours pour terminer

13 mai 2011

Sept secrets


Tagué par Glimpse, je dévoile sept secrets sans tergiverser.

#1
A 22 ans, j'ai fait un exposé en anglais sur Britney Spears.

#2
J'ai toujours une barre de contention derrière les incisives de la mâchoire inférieure. Après avoir vécu plusieurs expériences traumatisantes chez mon orthodontiste à l'adolescence, j'ai décidé de ne plus remettre les pieds chez lui une fois mes bagues enlevées. Quinze ans passés dans ma bouche et cette barre fait presque partie de mon corps.

 
#3
J'ai eu ma première expérience à 25 ans.

#4
Suite à une série d'événements que je ne détaillerai pas de peur de donner l'impression que je me cherche des excuses, j'ai participé sur scène à un spectacle de danses de la Renaissance.


#5
Bien qu'appréciant l'alcool – le vin notamment, je n'ai jamais pris de cuite. J'ai peur d'être pathétique en étant bourré.

#6
J'ai eu des relations sexuelles avec une seule personne dans ma vie. Cela est peut-être lié au secret #5. Non, je plaisante.

#7
Avant de nager, je fais des échauffements enfermé dans une cabine de WC de la piscine. J'ai peur qu'on pense que je me la joue si je les fais devant tout le monde sur le bord du bassin.

***

A mon tour de vous inviter, toi et toi, à faire part de sept secrets.

7 avr. 2011

Avery dire...

J'encadre depuis quinze jours une jeune stagiaire. La lettre de motivation et le CV étaient impeccablement rédigés. Alors j'ai dit oui sans trop hésiter, même si la formation ne correspondait pas au profil habituellement recruté par l'organisme où je travaille.

Ce n'est qu'au moment de l'établissement de la convention que j'ai vu une photo de la demoiselle: une très jolie jeune fille avec un sourire ravageur. A partir de ce moment-là, j'ai compris que les allusions iraient bon train sur mon mode de sélection des stagiaires. Et là-dessus, je ne me suis pas trompé...

Le premier jour de stage, la coutume est d'aller présenter les nouveaux arrivants à l'ensemble de l'équipe. Et là, je ne vous raconte pas les visages abêtis, les sourires entendus, les déshabillages du regard de la part de certains collègues... La subtilité était de sortie. J'ai très vite reçu, en coulisse, des approbations du genre "tu remontes le niveau des recrutements", "tu te fais bien plaisir", etc.

Les jours suivants, j'ai été témoin d'une augmentation de la fréquentation du bureau collectif où avait été installée la jeune stagiaire. Pour des motifs qu'une mauvaise langue qualifierait de prétextes, pleins de garçons se sont échoués successivement devant le bureau de la demoiselle. La faute aux vents et aux marées, probablement.

Evidemment, du haut d'un arc-en-ciel, les intentions qu'on me prête font sourire. J'ai eu envie de dire "Debout les gars, réveillez-vous!" mais j'ai eu peur qu'ils ne décident d'en mettre un coup...

6 avr. 2011

Méga micro

Ce matin, j'ai fait une nouvelle fois l'expérience de mon absence d'aisance et de charisme lorsque je prends la parole en public. C'est plus fort que moi: à partir du moment où j'ai un micro entre les mains (d'ailleurs, qu'il y ait ou non un micro ne change rien; et qu'il soit entre mes mains ou ailleurs n'a pas non plus d'importance), mon souffle se raccourcit, ma voix devient minuscule, fragile, sans portance. Et ce que je dis n'est en général pas très percutant et suscite peu d'intérêt.

Je sais que s'exprimer en public fait partie des choses qui s'apprennent et se travaillent. Mais il y a tellement de choses à apprendre... Je me demande si je ne ferais pas mieux d'éviter les réunions et les prises de parole en public, et de me concentrer sur les aspects de mon travail dans lesquels je suis bon. Après tout, je ne fais pas un métier où la communication joue un rôle déterminant. Je ne suis pas avocat, journaliste, présentateur télé, prêtre, politicien ou roi (avec ces révélations, le champ des possibles se réduit à grande vitesse).

Trouver des domaines dans lesquels on assure, c'est bon pour le moral et la confiance en soi. Le problème, c'est que quand je fais l'exercice, je tombe vite à court d'idées.

Je crois finalement que l'une de mes compétences les plus remarquables, c'est de m'arrêter de parler quand je n'ai plus rien à dire...

24 mars 2011

Britney

Britney Spears est une artiste que je suis avec intérêt depuis ses débuts (ah bon, je ne suis pas le seul ?). Il me paraît assez manifeste que cette fille a du talent. Et même si ses albums comptent pas mal de morceaux assez mauvais, impossible d'oublier les musts que sont, entre autres, Toxic, I'm a slave 4 U et Everytime.

L'histoire de Britney Spears est touchante: le succès fulgurant et puis, très vite, les mauvais choix, la descente aux enfers. Personnellement, en voyant le clip de son dernier single (Hold it against me), j'ai l'impression qu'elle est toujours très en-dessous de sa forme.

Je crois que c'est assez frappant lorsqu'on regarde des anciens clips, par exemple Overprotected. Vers 2:30, Britney fait une belle démonstration de ce qu'elle peut faire en danse:


Dans le dernier clip, il y a quelque chose qui m'a beaucoup frappé: les passages où la star danse sont montés de manière quasi-stroboscopique. A y regarder de plus près, les mouvements de Britney sont simplistes, approximatifs, presque hasardeux. Seuls les danseurs qui l'accompagnent donnent une impression de dynamisme et de rythme. Je vous invite à vous faire votre propre avis:

 
Ceci dit, j'aime assez ce clip; il y a des éléments innovants. Et le dernier album contient quelques pistes plutôt sympas. Mais aussi beaucoup de morceaux inaudibles, il faut le dire.

Pour Britney Spears, c'est sûr, le meilleur est à venir.

22 mars 2011

Tache blanche et nyctalopie

Si vous me croisez le matin avec une grosse tache blanche séchée au coin de la bouche, n'allez pas croire que je viens de donner beaucoup de plaisir à un inconnu dans un parking souterrain.

C'est juste une "matinée dentifrice" pour moi, une matinée où je n'ai pas jeté un coup d'oeil vérificateur dans la glace après le brossage de dents. Rien de grave, c'est juste que je m'en rends compte plus ou moins tard dans la matinée. Et cela m'oblige, une fois l'étourderie découverte, à repasser dans ma tête l'ensemble des personnes que j'ai croisées depuis le réveil. Parfois la boulangère et les clients de la boutique, très souvent plusieurs collègues de travail. On me demande parfois pudiquement si le froid me fait gerser les lèvres... On me dit plus rarement: "Tu dois faire des pipes d'enfer". La timidité sans doute.

En fait, j'ai trouvé un facteur qui expliquait comment je pouvais quitter mon chez moi sans m'apercevoir que je ressemblais à un clown mal démaquillé. C'est que j'ai pris l'habitude de faire beaucoup de choses dans la pénombre ou l'obscurité. Je n'allume pas la lumière dans les pièces dans lesquelles je ne fais que me déplacer ou lorsque que je rentre dans ma chambre pour me coucher. C'est fou ce qu'on peut ressentir lorsqu'on est privé de la vue; on prend conscience de la proximité d'une paroi par le simple obstacle qu'elle oppose l'écoulement d'air généré par ses propres mouvements, etc.

Tout ça pour dire que ce matin était une matinée dentifrice, et que je n'ai croisé qu'une personne avant d'effacer la tache blanche.

N'empêche, ça serait drôle qu'on me prenne pour le roi de la pipe...

15 mars 2011

Une expérience

Cette semaine, je dois rendre une rédaction dans la langue que j'apprends en cours du soir à la fac, ayant pour sujet une "expérience personnelle", une "première fois".

Etrangement, la première chose qui m'est venue à l'esprit est la première (et seule) fois où je suis entré au Gym Louvre à Paris. J'ai également pensé à ma première séance de cinéma un peu crapuleuse au Mk2 Bibliothèque. Et à ma première rencontre avec au pied la pyramide du Louvre: son physique plus charpenté que je ne l'imaginais, la profondeur du bleu de ses yeux, la naïveté et la toute-puissance de son sourire. La première fois qu'il a pris le train pour me rejoindre dans ma ville moyenne de province.

Ce sont des souvenirs précis, dont je garde des émotions vives: un bon sujet de rédaction dans l'absolu. Mais faire une rédaction dans une langue étrangère est un exercice de langue parfaitement calibré, aussi ai-je décidé de m'en tenir à une première fois plus "académique". En fouillant un peu dans ma mémoire, je me suis souvenu de mon premier mini-concert au piano devant des inconnus. Je crois qu'ils appelaient ça un "goûter" au conservatoire. Sans doute pour dédramatiser...

Je n'ai pas "fait le conservatoire", je m'y suis simplement inscrit comme adulte débutant et j'y ai suivi des cours pendant deux ans. Ma prof de piano était très tactile quand j'y repense; ça me surprenait beaucoup moi qui suis assez farouche lorsqu'on m'approche de trop près. Mais elle me massait les épaules, me prenait énergiquement les bras, comme si j'étais une poupée de chiffon. Elle le faisait avec un tel naturel que je n'aurais pas eu l'idée de protester. Après six mois d'apprentissage, elle a voulu pousser le niais oisillon hors du nid à l'occasion de ce fameux goûter-concert. Evidemment, J'ai beaucoup répété mon morceau et je le jouais d'ailleurs plutôt bien. Enfin, tout seul chez moi quoi. Mais le jour de la représentation, vers le milieu de la partition, ma main gauche s'est arrêtée de jouer: elle ne savait plus où elle était, ni ce qu'elle faisait dans cette galère. C'est donc la droite qui a pris les commandes - toute allusion politique est fortuite - et a essayé de sauvé les meubles. Il s'en est suivi un petit flottement dans l'auditoire, composé de jeunes et moins jeunes musiciens, où une prestation ratée n'a aucune chance de faire illusion. C'est dans ces moments-là qu'on voudrait rapetisser très vite jusqu'à disparaître dans les aspérités de la moquette.

Voici donc un sujet de rédaction beaucoup plus passe-partout.

Au fait, le morceau que j'ai raté c'est Green leaves:




Sans être synesthète, je ne l'entends plus que d'une main...

11 mars 2011

De retour, les mains sales et salées

Après deux semaines de déplacements professionnels, je vais regagner pour quelque temps un mode de vie plus sédentaire (c'est d'ailleurs un grand plaisir de découvrir à mon retour les nouveaux billets publiés sur mes blogs favoris).

Cela fait maintenant un peu plus de deux ans que j'ai commencé à travailler dans les marais. J'ai réalisé cette semaine pour la première fois que mon corps s'était adapté, au moins en partie, aux contraintes qu'imposent ces milieux. Le changement le plus remarquable concerne mes mains: de fines et sensibles, elles sont devenues plus épaisses, plus abîmées, plus aguerries. Moins lisses. J'ai l'impression qu'elles sont désormais protégées par un "cuir" résistant. Je suis assez fier de m'être "fait" au travail physique, de m'y être adapté.

Je viens d'une famille (au sens large) qui compte beaucoup de manuels, et lorsque j'étais petit je manifestais peu d'envie et peu d'intérêt pour les tâches manuelles, que ce soit la mécanique ou le bricolage - et j'en passe. Cela m'a valu en son temps quelques railleries et moqueries, mais je travaillais bien à l'école, ce qui m'attirait en contrepartie des compliments et des encouragements. J'ai continué mes études par la suite et j'ai progressivement pris conscience que le travail manuel était souvent déconsidéré, que les ouvriers et les artisans étaient traités de manière condescendante. Et j'avais du mal à concilier mes préférences pour le travail et les activités "intellectuelles" et mon envie d'une meilleure considération pour les travaux manuels - et par extension du milieu, de la "classe" dont je suis issu. S'il y a de la noblesse dans les métiers qui salissent les mains, pourquoi est-ce que je n'en exerce pas un ?

Ces dernières années, j'ai évolué vers un équilibre accru entre les activités physiques et le travail de bureau. Mon sens pratique s'est développé. Je me suis sali les mains, je les ai rudoyées, et j'éprouve désormais à le faire du plaisir et de la fierté. C'est comme ériger un pont entre mes affinités personnelles et mes origines.

Tout ça pour dire que je suis rentré. J'espère être plus présent sur la toile ces prochains temps et commenter davantage sur les sites que j'aime et auxquels je ne l'exprime pas assez.

Et un grand merci à Maître De Latrompe-Major pour son inventif lot de consolation ;)