22 août 2011

Heat

Aujourd'hui comme hier, les températures ont atteint l'étouffante valeur de 36°C à Bordeaux. C'est toutefois moins que la rivale toulousaine (39,5°C) et d'autres villes comme Montauban et Grenoble. J'ai une pensée compatissante pour les habitants des villes touchées par la canicule notamment ceux qui, comme moi, supportent difficilement les atmosphères très chaudes.

En quelques années, mon corps s'est quand même un peu adapté "au Sud". Ce n'était pas le cas en 2003, où l'été au centre-ville de Bordeaux a été un supplice. Je me souviens de journées entières passées dans l'obscurité des stores baissés, de bains d'eau froide coulés le dimanche matin, de nuits passées sur une couche de fortune sur le balcon (seul endroit de l'appartement où je ressentais un peu de fraîcheur à partir d'une certaine heure de la nuit), du Sopalin utilisé pour manier le volant brûlant de la voiture en pleine journée, etc.

On n'en est pas encore là cette année mais les températures élevées compromettent bon nombre d'activités. Aller à l'océan devient délicat à moins de décaler ses horaires, dormir sur place ou patienter de longs moments dans les embouteillages (et réviser son dictionnaire de l'argot en cherchant une place de parking). Les piscines sont prises d'assaut: longues files d'attente à l'entrée, bassins surpeuplés (j'ai fait demi-tour après une tentative samedi). Les activités sportives et physiques – hors salles climatisées – sont difficilement réalisables et déconseillées (j'ai quand même croisé quelques irréductibles joggeurs). Les activités intellectuelles comme la lecture demandent davantage de concentration (je ne suis pas très efficace dans ces conditions, mais beaucoup s'en sortent mieux que moi).

Quelles possibilités reste-t-il alors? Rester calfeutré chez soi (et s'occuper de son blog). Aller dans un cinéma climatisé (presque tous semblent l'être de nos jours). Visiter des musées enceints par d'épais murs de pierre (mais ce n'est pas toujours suffisant). Squatter le rayon frais d'un supermarché (peu sont ouverts le dimanche et/ou équipés de chaises pliantes). Se réfugier dans une église (mais quand on n'a pas la foi ou qu'on n'est pas passionné d'histoire ou d'architecture, on peut vite s'ennuyer).

J'ai finalement profité du week-end pour aller au cinéma et m'occuper du blog. J'ai publié quelques billets, en ai ébauché d'autres. Je compte beaucoup sur ce coin de la toile pour m'aider à passer cette brève période de canicule et à traverser des jours pas roses qui s'annoncent. Chaud devant...

20 août 2011

Oh Land

En parcourant le site internet des Inrocks à la recherche de nouveautés et d'électro-pop fraîche et planante, j'ai découvert l'artiste Oh Land et son album éponyme.

Décrire une chanson, un album, un univers musical avec des mots est quelque chose de délicat et je n'ai pas cette culture ni ce talent. Mais je voulais quand même écrire quelques mots sur cette chanteuse-compositrice danoise et son deuxième album que j'écoute inlassablement depuis plusieurs jours.

Les quatre premiers titres de l'album donnent – je pense – un bon aperçu de l'ensemble. Sun of a gun, premier single, est un titre dansant et léger avec des "Hou" et des "Ha", et des tintements de xylophone. On trouve le clip sur youtube:


D'après Wikipedia, Oh Land, danseuse à l'origine, a dû renoncer à sa carrière suite à une hernie discale; c'est alors qu'elle a poursuivi dans la musique. Ça donne une résonance particulière aux paroles de Break the Chain, autre titre de l'album:
She said
Sorry but you're never gonna dance again
But my feet just keeps me moving
Trying to break the chain.

Dans une autre tonalité, Voodoo ressemble à un trip psychédélique, avec ses sons électroniques des années 80 et ses paroles très kitsch: It's voodoo you do / there's needles everywhere [...] Ooh, electrons disturbing the activity in my brain.

Mais mon plus gros coup de coeur reste Perfection. La chanson commence avec des harmonies orientales auxquelles s'ajoute bientôt un rythme à la We will rock you. La voix de la chanteuse, habituellement fluide et suspendue, offre un passage où la scansion des paroles est – je trouve – très jouissive. Bref c'est l'extase, et en plus il existe un clip (avec une version de la chanson qui diffère un peu de celle de l'album):



En bref, une pop raffinée et aérienne, légère sans être futile, avec quelques accents rétro mais très à l'aise dans son époque. A essayer!

18 août 2011

Un soir, une rencontre [courte fiction]

Il frappa à la porte le vendredi soir vers 20h. Un toc unique et mal assuré. J'avais découvert à l'interphone, quelques instants auparavant, la voix de "Titours" – c'était le pseudo qu'il utilisait sur internet et par lequel il s'annonça ce soir-là. La voix de ce jeune homme était à l'image de sa manière de frapper: timide et hésitante.

Emporté par l'élan qui m'avait fait quitter le siège de mon bureau, j'ouvris la porte de manière assez brusque. L'onde provoquée par l'ouverture de la porte submergea Titours. Il eut un léger mouvement de recul et ses yeux s'écarquillèrent comme pour accompagner le déferlement de mon corps. Une fois mes yeux réglés sur l'obscurité du couloir, je découvris un garçon de petite taille, robuste et de visage assez rond. Je ne saurais dire si ses cheveux étaient coupés courts ou inexistants; peut-être portait-il une casquette.

Sa surprise première s'effaça au profit d'un sourire qui exprimait à la fois timidité, malice et gentillesse. Celle-ci m'apparut si profonde, si constitutive de son être qu'elle me désarma sur-le-champ.

Paré d'un sourire qui me vint très naturellement, je fis entrer Titours dans l'appartement et le priai de s’asseoir sur le canapé clic-clac du salon. J'éprouvai une honte soudaine à installer un quasi-inconnu sur une housse aussi sale.

- Tu as quelque chose à fumer? me demanda Titours.

- Si on exclut les feuilles mortes qui traînent sur le balcon depuis l'hiver dernier – et qui ne doivent pas avoir bon goût, la réponse est plutôt non. Je peux me rattraper en te proposant quelque chose à boire?

- Tu as du whisky?

- Ah, hum, non... J'ai du porto, du martini, de la bière, du vin rouge, du vin blanc, du cidre et du soft.

- Je veux bien une bière, merci, c'est cool, me répondit-il avec son irrésistible sourire.

Nous discutâmes pendant près d'une heure lorsque Titours m'annonça qu'il devait retrouver des amis pour une soirée en centre-ville. Feignant par pudeur d'ignorer que je ne lui plaisais pas, j'acquiesçai et le raccompagnai à la porte.

- Je peux te prendre dans mes bras? demandai-je à Titours de but en blanc.

Il s'agissait davantage de le prévenir que de lui demander l'autorisation car c'est sans attendre sa réponse que je l'enserrai dans mes bras. J'avais manqué d'affection les jours précédents et puisque l'occasion d'en recevoir était en train de s'échapper, je décidai derechef de voler ma ration.

Je profitai pleinement de mon étreinte avec Titours. La crispation de son corps me fit comprendre que le plaisir était sans retour. Peut-être a-t-il, en cet instant, douté de ma santé mentale.

Grisé par mon audace, je lui posai une ultime question:

- Je sais que c'est indiscret mais quel est ton vrai prénom, Titours?

- Benjamin. C'est Benjamin. Allez, merci pour le verre, passe une bonne soirée et à une prochaine peut-être.

Titours avait à peine prononcé ces mots qu'un de mes voisins, qui venait de quitter son appartement avec une jeune femme à son bras, l'interrompit dans sa fuite en s'exclamant:

- Ça alors, Sébastien! Qu'est-ce que tu fais là? Décidément, c'est pas assez de se voir huit heures par jour au travail qu'il faut jouer les prolongations les soirs et week-ends.

- Oui, je rends visite à un pote, répondit Titours non sans une certaine gêne.

- Ah mais faudrait qu'on se fasse un apéro un de ces quatre avec ton pote mon voisin! s'exclama avec un enthousiasme fédérateur celui que Titours et moi croisions presque quotidiennement...

17 août 2011

Tired of being sorry / J'envoie valser

Aujourd'hui j'ai repris le travail après trois semaines de vacances. Trois semaines pendant lesquelles j'ai continué à relever mes mails professionnels à distance, en raison d'un engagement que j'avais pris sur un projet particulier.

Je sais qu'il est risqué de ne pas totalement couper le cordon lorsqu'on part en congés. Et en effet, après environ quinze jours d'absence, je reçois un message fort peu aimable d'un collègue – le genre de collègue à qui on refuserait d'office une reconversion dans la diplomatie. Celui-ci me demande, en tant que correspondant informatique d'unité, d'"activer" une commande d'ordinateur dont il m'avait parlé il y a deux mois, commande devenue urgente puisque le PC à remplacer est – comme il l'avait auguré, et il en est visiblement très agacé – tombé en panne. Le mail est adressé en copie à deux supérieurs hiérarchiques.

Comme à chaque fois quand j'ai du retard, et qu'il y a un problème lié à ce retard, je me suis senti fautif, minable. J'ai ressenti une grosse boule dans le ventre, découragé par mon incapacité à régler les choses correctement du premier coup, sans qu'on ait besoin de me faire des rappels. J'ai imaginé la manière dont je me confondrais en excuses.

Je n'ai pas répondu au mail pendant mes vacances, essayant d'oublier, sans vraiment y parvenir, ce qui m'attendait à la reprise.

Et puis je me suis souvenu que ce rôle de correspondant informatique, j'avais accepté de le reprendre suite au départ en retraite d'un collègue qui m'avait assuré que ce n'était pas compliqué et que ça ne prenait pas beaucoup de temps. Je voulais avant tout dépanner, mais j'étais aussi curieux et intéressé par cette nouvelle tâche. Tâche qui s'est finalement avérée plus complexe et chronophage qu'annoncé. Sans compter que ces à-côtés informatiques se sont ajoutés sans aménagement à mon métier principal, qui reste ma priorité.

Je suis fatigué d'être désolé et ce n'est pas normal, ai-je pensé aujourd'hui. Si les choses dysfonctionnent, ce n'est peut-être pas de ma faute. Et si je n'avais tout simplement pas les moyens de faire face?

De manière générale, je suis prompt à me remettre en question et à reconnaître mes torts. À calmer l'indignation, étouffer la colère, réprouver l'envie de vengeance lorsqu'on me fait des reproches ou du tort. Mais à trop jouer les procureurs, j'oublie que je suis en droit d'être défendu. Sous doute ne tiens-je pas suffisamment compte de la partie en moi qui endure et souffre: elle mérite aussi d'être écoutée, je dois m'en convaincre. Il faut un temps pour la colère et la révolte – elles sont parfois légitimes.

Ce matin, avec calme mais fermeté, j'ai envoyé valser mon collègue insatisfait et fait part de mon renoncement à ma fonction de correspondant informatique. Ça va me soulager d'un poids et permettre de concentrer mes forces sur un défi de taille: affronter la déprime de la rentrée.

14 août 2011

La pression du bonheur

Je veux être heureux. C'est la réponse que je ferais à qui me demanderait quel est mon but dans la vie. C'est simple, vague, presque enfantin, mais il finalement existe bien d'autres manières de répondre à cette question.

Je veux être heureux, c'est avant tout un aveu d'ignorance: je suis incapable de définir clairement et en quelques mots ce qui ferait mon bonheur. Je m'accroche aux mots heureux et bonheur comme si je voulais me rendre sur une île paradisiaque qui ne figurerait sur aucune carte et dont le seul nom attesterait l'existence.

Dans Je veux être heureux, il y a aussi Je veux. Je pourrais ne rien vouloir, et même ne plus rien vouloir. Ça m'est arrivé, et ça m'arrivera encore. Pour l'heure, je veux, j'ai de la volonté, mon esprit est tendu vers quelque chose. Mais cette tension est si forte qu'elle pose problème. Il y a une limite au-delà laquelle vouloir être heureux devient trop obsédant: la volonté prend le pas sur la finalité – être heureux – alors que le bonheur suppose au contraire – enfin, je le crois – une certaine forme d'insouciance, de détachement, de confiance, de légèreté et de disponibilité d'esprit.

C'est ainsi qu'à trop vouloir être heureux je finis par gâcher les moments qui m'apportent un bien-être et des plaisirs simples.

L'autre jour, j'enfourche ma voiture pour une virée en solo sur le bord de mer, avec une vague idée de la direction, bien décidé à me laisser guider par la beauté des paysages. Niveau d'insouciance: élevé. Au cours de la journée, je m'arrête à différents endroits où je marche, nage quelques minutes et lis plusieurs pages d'un bon livre. Il y a du soleil et du vent et je suis bien. Mais à plusieurs moments, des doutes m'assaillent. Est-ce qu'être heureux c'est seulement ça? Est-ce que ça ne sera jamais que ça et rien de plus? Je me dis que la journée aurait été encore meilleure si j'avais été accompagné d'un amant et de bons amis. Le pire alors, c'est que je ne pense pas seulement – pour tenir ces rôles d'amant et amis – à des personnes bien réelles qui font partie de mon entourage, mais aussi à des personnes idéalisées, que je ne connais pas ou très peu, pourvues de qualités et de savoirs que j'envie.

Je me rends bien compte que ça ne peut pas fonctionner dans ces conditions. Entre ce que j'arrive à extraire du présent et ce que j'ambitionne d'obtenir dans un futur heureux, l'écart est tel qu'il me condamne à l'insatisfaction. Sans vouloir passer pour quelqu'un qui en demande toujours plus, n'y a-t-il pas juste moyen d'avoir mieux pour les choses essentielles?

Il m'arrive de penser que l'épitaphe suivante résumerait avec justesse – et cruauté – mon existence: Il n'a pas vécu sa vie, il l'a rêvée. Pourtant je n'ignore pas que le monde est comme il est, qu'il ne va pas changer pour correspondre à mes désirs. Il faut faire avec, balayer dans un coin et y installer son bonheur. Seulement voilà, il y a la théorie et la pratique, et que m'importe la théorie si je n'arrive pas à l'incorporer complètement et qu'elle me donne au contraire l'impression d'obéir à contre-cœur aux injonctions raisonnables d'une personne dont je n'ai pas la sagesse.
Je voudrais seulement vivre plus de moments où exister me paraisse plus enviable que de n'avoir jamais été, que ces moments soient pleins et légers, et qu'ils ne spéculent en rien sur l'avenir. Le bonheur, c'est une balance Roberval qui penche du côté Exister est une condition enviable.

Je crois qu'un autre problème dans Je veux être heureux, c'est qu'il ne laisse pas de place à l'échec. Il n'y a pas de ... sinon je ferai de mon mieux pour rendre ma vie supportable et peut-être même agréable. Non vraiment, la sortie de secours – s'il y en a une – est bien mal fléchée. Si j'extrapole à partir de ma propre expérience, je dirais que le bonheur est une chose très difficile à atteindre. Je m'étonne d'ailleurs que cette difficulté ne soit pas plus souvent relevée. Ne concerne-t-elle pas une bonne partie d'entre nous?

Ne pas être heureux, c'est compliqué à vivre, à assumer et à expliquer. Mais ce n'est pas non plus un drame, la plupart du temps. En société, c'est plutôt le bonheur, ou l'apparence du bonheur, qui est la norme. Et l'on décide souvent à notre place, d'après certains signes extérieurs, si nous sommes heureux ou pas; et si nous ne le sommes pas, si nous devrions l'être – car on a tout pour. La société a par ailleurs tendance à davantage valoriser ceux qui sont heureux et épanouis; ils sont pris pour exemple, exhibés comme modèles. En contraste, les autres sont, au mieux moins photogéniques, au pire un peu suspects. Je ne parle même pas de ceux qui sont atteints de dépression et qui sont souvent jugés responsables de ce qui leur arrive: manque de volonté, laisser-aller, incapacité à se prendre en main, etc.

Je crois aussi qu'il est délicat d'assumer de ne pas être heureux auprès de ses proches et de ses intimes. Cela génère, qu'on le veuille ou non, une culpabilité chez les autres. C'est bien compréhensible: lorsque l'on tient à quelqu'un, on se sent engagé par rapport à son bonheur, on souhaite y contribuer. Il est mal aisé de faire comprendre à qui vous veut du bien qu'il n'y a parfois rien à faire, à part rester à l'écoute, et que ce n'est peut-être pas si grave. Personnellement, afin d'éviter d'inquiéter et de recevoir des sollicitudes qui me mettent mal à l'aise, je reste souvent silencieux.

Avec toute cette pression – celle que l'on se met soi-même et celle que les autres exercent sur nous, la quête du bonheur n'est pas un chemin tranquille. Il y a des moments où cela m'angoisse: le temps passe et je ne suis pas plus heureux avec les années. Ce qui est nouveau, c'est que je m'autorise dorénavant à ne pas réussir. Mais je veux m'efforcer de regarder la vie en face, pour citer Virginia Woolf, toujours regarder la vie en face. C'est peut-être ça, mon plan B.

5 août 2011

Au rythme des marées


Vivre en fonction des marées fait partie des choses que j'aime quand - comme en ce moment - je suis en vacances dans le Finistère.

C'est que le niveau de l'eau change beaucoup la physionomie du littoral breton, et avec elle les conditions de baignade.

Le must pour moi, c'est la pleine mer des grandes marées, entre 18h et 20h. A cette heure, le soleil - quand il y en a - n'est plus que caressant: exit les morsures du zénith. Exit aussi les lumières crues de la mi-journée, sous lesquelles je n'ai jamais su photographier. La différence de température entre l'air et l'eau est moindre, ce qui permet d'entrer plus facilement dans la "glue froide".

Il ne me reste plus alors qu'à trouver une belle roche plate et lisse, encore gorgée de soleil, pour y poser serviette, maillot de bain, livre et tongues.

Ce n'est pas suffisant pour être heureux mais je collectionne là, seul - à défaut d'une meilleure compagnie, des moments et des images auxquels je repenserai souvent pendant l'année qui suivra.