29 oct. 2010

Conversation avec un franc-maçon

Dimanche soir, après une séance de ciné, je suis allé boire un verre avec une collègue de travail et un ami à elle, <S>.

A peine installé à la terrasse du bar, je m'absente quelques instants. A mon retour, la discussion porte sur les symboles franc-maçonniques. Naïvement, je demande à <S> s'il est franc-maçon. Il répond très directement par l'affirmative, avec un enthousiasme qui invite à engager la conversation sur le sujet.

Si <S> est entré dans une loge, c'est - nous fait-il comprendre - qu'il cherche un développement spirituel. Il voudrait pouvoir lire le soir, mais il n'y arrive pas. Rencontrer des gens pour discuter, débattre, échanger est une manière pour lui de s'imposer des moments de réflexion, de stimuler sa vie intellectuelle. <S> semble avoir une grande fascination pour les symboles, qu'il s'agisse des outils du franc-maçon ou d'objets géométriques purs. Il aspire à la perfection - en étant conscient de ne jamais pouvoir l'atteindre - et compte sur la valeur essentielle qu'est la droiture pour avancer sur "son chemin".

J'ai rarement l'occasion d'avoir des discussions sur des sujets aussi profonds que la valeur ou les buts ultimes de l'existence. Cela m'a passionné. Il y a quelques années, j'ai été très préoccupé par la question "Quel est le sens de ma vie?". Avec le recul, je me rends compte que la mauvaise formulation de la question me condamnait à ne jamais trouver de réponse. Mais quand même, je voulais prendre un peu de distance, et essayer de comprendre ce qui dans la vie avait le plus d'importance. Aujourd'hui, la question est devenue "Comment être heureux?", et même pour être plus précis "Qu'est-ce qui me rendrait heureux?". Pour en revenir à <S>, je tiens donc quelqu'un qui s'est trouvé des aspirations, des idéaux, que j'ai très envie de mettre à l'épreuve.

Alors je lui pose beaucoup de questions, avec d'autant moins de retenue qu'il semble se réjouir de partager ses pistes de réflexion. Pourquoi se fixer un idéal de perfection dont on est sûr de ne jamais pouvoir l'atteindre? N'est-ce pas se condamner à une perpétuelle insatisfaction? En quoi est-ce que la droiture est une valeur préférable aux autres? Qu'est-ce que la droiture? Est-ce que la morale associée a un fondement religieux?

<S> n'a pas de rhétorique toute prête, il est ouvert à la discussion. Du coup, ça part joyeusement dans tous les sens, jusqu'à la fermeture du bar.

Conclusion: je n'ai toujours aucune envie de m'approcher d'une organisation telle que la franc-maçonnerie. Mais qu'on puisse intégrer une loge pour trouver des réponses à des questions existentielles, voilà qui remet en cause quelques-uns de mes préjugés.

5 commentaires:

  1. Il y a un côté grand Bazard chez les francs-maçons, qui m’énerve. Il faut sans le doute le dépasser pour pouvoir rentrer dans leur sens plus profond mais vue de l’extérieur les gadgets même si c’est symbolique ça fait un peu cirque … Cela dit, ça correspond peut-être à certains qui ont besoin de s’appuyer sur des balises pour se rappeler que les choses ont un sens. D’ailleurs c’est un besoin qu’on en retrouve un peu partout et quand on rentre pas dans le jeu, c’est parfois ridicule (je pense aux cérémonies protocolaires d’état)

    J’ai à côté de chez moi une abbaye qui reçoit pour des temps de réflexion ce qui le désire et ils ne font pas dans le prosélytisme et dans la simplicité …Un sens à sa vie … On en parle aussi pas mal là-bas …

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  2. @PeP: J'ai aussi tendance à penser que l'organisation sociale et les rites des francs-maçons ne font pas "sérieux" vus de l'extérieur: ils ont un côté enfantin, kitsch.
    Du coup, ce qui m'intéressait davantage dans cette discussion, c'était de découvrir le profil d'un franc-maçon.
    Il me semble qu'il y a deux différences importantes avec une retraite dans une abbaye: la fréquence des rencontres dans les loges (hebdomadaire, je crois) et le caractère collectif des réflexions.

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  3. Le caractère collectif des réflexions, cela m’effraies un peu. Ça peut faire un petit peu enrôlement de la pensée. Cela dit je connais des francs maçons qui sont très ouverts alors … Ca doit correspondre à certain …

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  4. Ton billet soulève beaucoup de questions qui résonnent en moi : la quête du bonheur, l'aspiration à tendre vers une certaine forme de perfection chimérique avec tout ce que cela entraîne comme conséquences sur l'estime de soi. Les valeurs auxquelles on adhère pour donner du sens à nos actes, qu'elles soient purement humanistes ou d'inspiration (plus ou moins) religieuse, sont de puissants piliers. L'essentiel n'est-il pas de trouver ceux sur lesquels ont sait pouvoir s'appuyer en toute confiance, pour avancer ?

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  5. @TM: Je crois que par contraste cette discussion m'a rappelé à quel point j'avais mis de côté les idéaux, au profit d'un empirisme plus ou moins compatible avec ma nature.
    Trouver ceux sur qui s'appuyer en toute confiance... J'ai peut-être un peu trop construit ma vie jusqu'à présent sans laisser suffisamment de place aux autres. C'est quelque chose que j'essaie de corriger aujourd'hui.

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