29 nov. 2010

Je ne jette pas, donc je suis ?

Ce week-end, profitant d'une accalmie dans mes occupations et dans ma tête, j'ai entrepris un peu de rangement dans mon appartement, et notamment du tri de vieux documents.

Il m'arrive assez régulèrement de passer en revue les cours de l'école d'ingénieur où je suis passé il y a quelques années. La pile de polycopiés et de notes manuscrites que j'en conserve s'érode lentement, mais très sûrement. Le temps passant, je réalise que certaines matières n'ont et n'auront plus jamais aucune utilité pour moi. Et c'est tant mieux. Et si d'aventure je me trompais, je pourrais toujours trouver des ouvrages de synthèse dans une bibliothèque ou des cours sur internet.

Immanquablement, lorsqu'on parcourt ces piles de documents, on tombe sur des copies d'examen. Les notes sont plus ou moins bonnes - mais globalement plutôt bonnes: quand j'étais étudiant, j'étais un "stressé de la life" et je travaillais beaucoup, avec une énergie dont je ne sais pas trop aujourd'hui d'où elle venait. Ce qui me surprend, c'est d'avoir réussi à consacrer du temps - malgré mon total manque d'intérêt - à des matières comme la comptabilité des entreprises et des collectivités locales, le droit des travaux publics et de l'urbanisme, l'assainissement non gravitaire, les automatismes, le dessin technique.
J'avais manifestement commis une erreur d'orientation en allant dans cette école. Je m'en suis rendu compte très tôt, dès le premier jour en fait, mais il était déjà trop tard. Les inscriptions étaient closes, j'avais loué un studio et j'étais financièrement engagé. J'habitais alors à plus de mille kilomètres de chez moi.

Pour en revenir au tri, plusieurs kilos de cours ont rejoint la benne aujourd'hui. Mais s'il y a bien quelque chose que je refuse toujours de jeter, ce sont ces copies d'examen. Elles sont un témoignage, une preuve tangible.

Ces derniers jours, il m'est arrivé de me sentir flou, immatériel, comme déconnecté de la réalité. Photographier, dessiner, écrire me permettent de garder des traces de vie et de vérifier, a posteriori, que j'existe; ou plutôt, que j'ai bien existé.



3 commentaires:

  1. Garder des traces de son passage, c’est une lubie que beaucoup ont, je pense au puissant de ce monde. Une angoisse de disparaître ?
    J’ai longtemps cru que l’art, qui fonctionne avec nos références et notre mémoire était immortel …

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  2. Comme le dit Pianiste en péril, nous ne sommes qu'un passage. A peine plus long et plus audible qu'un murmure, un souffle, une expiration. Nous n'avons rien à faire, rien à prouver, rien à donner. Nous n'avons qu'à nous laisser porter par le courant comme des pierres au fond d'un ruisseau et parfois, de-ci, de-là, déposer un peu de nous même, une sorte de sédiment qui sera peut être utile à quelque chose, qui sait ?

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  3. @PeP: Les traces dont je parle dans ce billet sont pour mon propre usage: me souvenir du passé, sans l'embellir. Ne pas laisser ma mémoire trier trop grossièrement, en ne retenant que le meilleur et en évacuant les moments difficiles.
    Vouloir laisser une trace de son passage est quelque chose de différent, que je comprends par ailleurs et que je crois, comme toi, lié à l'angoisse de disparaître.

    @Ek91: Belle métaphore, nous ne sommes sans doute rien de plus que tout cela. Mais peut-être pouvons-nous, parfois, choisir le courant qui nous porte.

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