21 nov. 2010

Mon coeur est plein de caporal

Ces dernières semaines ont été mouvementées. J'ai essayé de réagir à des baisses de moral à répétition. Ca n'a pas fonctionné, je ne vais pas durablement bien.

Au niveau professionnel, j'ai donné un coup de frein. Je pars plus tôt le soir et j'écoule progressivement mes jours de congés. Étant assez autonome dans mon travail, cela n'a pas été trop compliqué. J'en ai déjà ressenti quelques conséquences: moins de proximité avec la communauté de travail, des projets qui se font sans moi. De toute façon, j'ai un peu perdu le feu sacré qui me donnait l'ardeur au travail et faisait défiler le temps à grande vitesse.
Je peux vivre avec ça.

En l'espace de quelques semaines, j'ai quitté la région de Bordeaux à plusieurs reprises. Avant de choisir les destinations, j'ai réfléchi aux choses qui m'intéressaient et dont un voyage me permettrait de profiter: les musées et la peinture m'ont semblé une bonne accroche - c'est la seule que j'ai trouvée. Je voulais me retrouver dans un lieu étranger, perdre mes repères. Mission accomplie. Sauf que vouloir se perdre quand on est déjà bien paumé est une idée, au mieux saugrenue, au pire masochiste.

A Bilbao, j'ai vu de très belles choses. Mais je me suis aussi senti terriblement seul, par moment dans la plus totale confusion intérieure. J'aurais pu en pleurer. A regarder les peintures et autres œuvres d'art, j'ai passé de bons moments. J'ai été ému - pour la première fois ? - par une œuvre contemporaine. Mais qu'attendre de plus de ces contemplations ? L'art ne me fait pas porter un regard nouveau sur le monde. Alors j'ai marché jusqu'à plus soif dans cette ville que je voulais découvrir. J'ai vu des surfaces, des volumes, des lumières. Cette réalité m'est restée froide et extérieure, quand j'avais besoin de chaud à l'intérieur.

Les quelques jours à Madrid ont été assez différents. J'y suis parti avec trois amis connus lors de mes dernières années d'étude - et un peu perdus de vue depuis -, dont Nicolas et Céline en couple depuis plusieurs années. Je comptais trouver un moment pour leur dire que j'étais gay, chose qu'ils ignoraient jusqu'à présent. Les occasions ont été plutôt rares. Je l'ai dit à un moment où nous avions une discussion plutôt légère sur les différences entre hommes et femmes; ça n'a pas été pris au sérieux. Le dernier jour de notre week-end, alors que nous nous retrouvions tous les quatre dans la même chambre d'hôtel, allongés sur les lits, j'ai finalement pris un ton plus solennel pour dire que j'étais sérieux quand je disais que j'étais gay. Il y a eu un blanc. Au moins j'ai compris que le message était bien passé. "Moi, ça ne me dérange pas" dit finalement Céline. L'heure de sortir étant venue, la discussion ne s'est pas prolongée. Lorsqu'à minuit deux des amis sont rentrés se coucher, je suis ressorti boire un Mojito avec Céline. Nous avons parlé de choses plus personnelles que d'habitude, autant de son côté que du mien.

Ce week-end, je suis rentré chez mes parents, après un long voyage en train. Le soir de mon arrivée, j'ai retrouvé à la gare deux amies de lycée. Près de cinq ans s'étaient écoulés depuis notre dernière rencontre. Attablés dans un pub, nous avons parlé de nos vies, des nouvelles que nous avions de connaissances communes. A la fin de la soirée, alors que nous regagnions la voiture, je leur ai dit: "Moi aussi j'ai rencontré quelqu'un. Ca va peut-être vous surprendre. C'est un garçon. Je suis homo." Un silence a suivi - toujours le même. Sans doute un peu de surprise. Puis la discussion s'est poursuivie. "Comment s'appelle-t-il? Que fait-il dans la vie?" Je n'avais pas trop de crainte sur la réaction qu'auraient ces amies; nous avons un ami gay qui l'avait fait savoir bien avant moi et qu'elles voient régulièrement. Le lendemain, j'ai reçu un SMS qui commençait par "je voulais te dire que ça m'a fait super plaisir de te voir." Ca fait du bien de le lire.

Avant-hier, alors j'étais en voiture avec ma plus jeune soeur, je lui ai demandé si les parents lui avaient parlé ce que je leur avait dit il y a quelques semaines. Elle m'a répondu que non et s'est inquiétée assez rapidement. Alors je lui ai dit. Un silence, encore une fois. Elle a paru un peu abasourdie et gênée. "Allez, remets-toi, il n'y a rien de grave." Mais je crois qu'il va lui falloir un peu de temps pour se faire à l'idée.

Hier, la lecture d'un billet sur un blog m'a plongé dans une grande tristesse. Ce n'est pas la première fois. Depuis, j'ai le moral dans les chaussettes. Les vibrations sont un cauchemar pour les structures fragiles.

A partir de demain, je m'absente de nouveau pendant trois jours, pour le travail cette fois-ci. Mode pilotage automatique ON.

Il y a quelques mois, je me suis réveillé dans un monde nouveau qui obéit à des lois nouvelles. J'aimerais retrouver un peu de quiétude, mais je n'y arrive pas.


6 commentaires:

  1. Ton coeur est vaillant, et tu es en train de mettre tous les atouts pour vivre » bien »

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  2. Mettre les choses au clair avec ton entourage, te permettant ainsi de ne plus avoir à te cacher, c'est le début d'une vie débarrassée de quelques scories. Il faudra peut-être encore un peu de temps, mais tout ira mieux, tu verras ;-)
    S'il y a une chose que j'ai retenu, c'est que quand on touche le fond, on ne peut que remonter.

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  3. Maintenant tu sais que tu as le soutien de quelques amis. C'est toujours ça de pris et ça soulage malgré tout un peu la charge.

    Lorsque j'ai passé le cap d'en parler à mes amis, j'ai erré aussi dans une phase de déprime. Je me sentais perdu et seul. Puis j'ai repris confiance en moi, j'ai commencé à vivre pour moi et non plus en songeant à ce que l'on attendait de moi. Je crois que c'est ça qui m'a fait aller mieux.

    Plein de forces !

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  4. @PeP: J'étais terrifié à l'idée de ne pas y arriver; mon coeur était plus vacillant que vaillant.
    Puisses-tu avoir raison pour le vivre bien!

    @Glimpse: Oui, c'est toujours ça de fait: ça aurait fini par s'imposer à moi d'une manière ou d'une autre. Je me sens un peu plus libre, mais il y a d'autres problèmes qui me retiennent encore au fond.

    @TM: Merci de partager ton expérience, j'ai l'impression de vivre quelque chose d'assez proche.

    @tous: Merci pour votre passage et vos commentaires amicaux.

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  5. Un jour ça ira mieux...
    Alors pourquoi pas aujourd'hui ;-) !!!

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  6. @[Nicolas]: Si seulement ça pouvait fonctionner comme ça ;)
    En tout cas, j'ai de l'espoir.

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