14 févr. 2011

Coup de téléphone du dimanche matin

Certains jours, le temps d'un coup de téléphone, je renoue avec la campagne bretonne. C'est que ma tante et ma grand-mère habitent une petite maison sur le littoral finistérien. Et croyez-moi, de la campagne qui les environne sourdent de bien trucculentes histoires.

Dimanche matin, j'ai reçu l'un de ces coups de téléphone qui me font transplaner instantanément des pinèdes aquitaines aux landes armoricaines. Après avoir pris quelques minutes des nouvelles de ma tante, j'ai entendu le traditionnel "Je te passe ta grand-mère."

Je crois qu'on peut dire de ma grand-mère qu'elle est d'une étonnante vitalité. Elle a toujours des milliers de choses sur le feu. A s'occuper inlassablement de son grand jardin, de ses trois chiens, de son poulailler, et d'un grande famille, elle ne s'arrête pour ainsi dire jamais.

"- Oh c'est pas vrai, j'ai mon petit garçon au téléphone ! J'ai failli te renvoyer le mode d'emploi de ton portable par la poste, de peur que tu aies oublié comment ça fonctionne."

Elle aime beaucoup faire l'ingénue, et elle sait que son âge respectable lui donne le champ libre. Elle sait aussi que je ne suis pas un grand bavard et fait preuve d'une réjouissante imagination lorsqu'il s'agit de plaisanter sur ce trait de mon caractère. C'est ainsi que je suis souvent accueilli, lorsque je passe un p'tit coup de bigo juste pour prendre des nouvelles - ce qui arrive assez rarement j'en conviens -, par une exclamation du genre "Oh c'est pas vrai, il y a eu un tremblement de terre ?".

Dimanche dernier, la terre n'a pas tremblé vu que c'est moi qui recevais l'appel (cqfd). J'ai par contre appris que la vieille chienne de ma grand-mère avait fait une AVC et qu'elle vivait probablement ses dernières semaines. Le poulailler n'a quant à lui pas été endeuillé par un récent passage du goupil, qui doit toujours digérer ses précédentes ventrées de viande blanche.

"- On a retrouvé une oie morte. Elle s'est noyée dans un seau d'eau."  Sans doute a-t-elle basculé en avant sans pouvoir retrouver d'appui. Une fin bien cruelle quand on y pense. "Le jars est revenu tous les jours à l'endroit où elle est morte, et il restait là à attendre." La défunte devait donc être remplacée et il a fallu pour cela chercher sur Internet quelqu'un qui vendait des oies, ce qui ne se trouve pas à moins de 130 km, voyez-vous.

Mais tenez-vous bien car ce distant vendeur d'oies n'était visiblement pas un marchand de sable. Il a en effet compris que l'oie noyée n'était pas une dame, mais un mâle. Alors là, je vais être franc, j'ai dû manquer un ou plusieurs maillons du raisonnement: je me souviens juste qu'il y avait une histoire de mutation génétique qui entraîne une absence de crête, ou quelque chose comme ça. Eh oui, c'est un fait peu connu, mais les oies sont dures à sexer.

Finalement, il a bien été possible de remédier au célibat du jars. Car un jars sans oie, c'est un peu comme un art sans joie. "Et car des femelles il n'y en avait pas, j'en mis chez le jars" aurait pu me dire ma grand-mère si elle avait voulu, pour les besoins de mon blog, faire un jeu de mots mémorable.

Bref, je vous finis l'histoire: le jars a été très heureux de trouver une compagne.

Et moi bien amusé d'écouter une nouvelle de ces histoires aussi savoureuses qu'anecdotiques qui continuent à animer la campagne de mon enfance.

3 commentaires:

  1. Une grand mère comme cela, ca me manque.

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  2. Quelle histoire à fendre le coeur que celle de ce jars qui revient tout les jours attendre à l'endroit où sa compagne s'est noyé. Ça me rend tout chose, moi...

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  3. @Gouli: Oui je comprends... J'espère avoir la mienne encore très très longtemps, il y a tellement de choses que j'ignore sur les oies ;)

    @Ek91: Moi aussi j'ai trouvé ça triste. Ca me rappelle un peu l'histoire d'Hachiko. Allez, sois fort ;)

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